L'art d'être inconstant...

Publié le par constance

Suite à la question de Greg, il m'a semblé opportun de rédiger un petit billet pour expliquer à tout ceux qui souhaiteront y jeter un oeil qui est Benjamin Constant, un écrivain de grand talent malheureusement méconnu en France. Et peut-être que cela vous poussera à feuilleter un de ses livres. Je l'ai découvert en classe de première, et j'ai trouvé ça horrible ! J'ai recommencé à la fac, et j'ai adoré... alors ne désespérez pas.

 Contrairement à ce que son nom indique, Benjamin Constant  a été un des homme les plus inconstants de sa génération. Né en 1770 à Lausanne, Constant n'est donc pas français, comme on pouvait être tenté de le croire, mais bien suisse. Il fait partie de ces quelques auteurs de talent, avec Jean-Jacques Rousseau et Madame de Staël par exemple, que la France a discrètement essayé de voler à la Suisse. Malgré tout, il faut admettre que Constant a participé activement à la politique française, puisqu’il fut député de la Sarthe en 1819, puis de Paris en 1824 (il y est d’ailleurs mort en 1830). Ce qui peut expliquer la confusion.

  Mais s’il est connu (des initiés), c’est pour son roman Adolphe, qui s’inscrit, avec Les souffrances du jeune Werther de Goethe, et René de Chateaubriand, dans la lignée des grands romans d’analyse qui ont annoncé le romantisme au début du XIXe siècle. Le héros, jeune et sensible, que certains esprits (frustres ;-) qualifieraient de « pleurnichard », est disséqué en profondeur sous la plume cruelle de son auteur. A peine sorti de l’adolescence, encore plein de rêves et d’idéaux, il va découvrir l’amour passionné et s’y jeter à corps perdu avant de le perdre, et de finir désespéré. Dit comme ça, c’est schématique et caricatural, mais c’est magnifiquement bien écrit, et parfois on s’y reconnaît un peu…

 Constant a quelque chose de son héros Adolphe, même s’il possède d’autres facettes. C’est un passionné, aussi bien dans ses liaisons amoureuses (avec Germaine de Staël, la fille du ministre de Louis XVI Necker, entre autres) qui défraient la chronique, que dans ses idées, qu’il développe dans des ouvrages comme ses Principes de politique ou De la religion.

 Volage en amour, Constant l’est aussi lorsqu’il s’agit des opinions politiques. Proche de Bonaparte à ses débuts, il se fera ensuite très virulent contre son autoritarisme après le coup d’Etat du 18 brumaire, et se verra contraint à l’exil. Lors de la Restauration, il soutient les Bourbons, mais Napoléon le nommera malgré tout conseiller d’Etat à son retour. En 1830, il changera une dernière fois de cap en se montrant favorable à Louis-Philippe.

 En fin de compte, Benjamin Constant a été un éternel insatisfait, incapable de savoir ce qu’il voulait. Un homme aux grandes idées, à l’intelligence profonde, handicapé par des périodes de dépression suivies d’agitation extrême par lesquelles il rejoint Adolphe, tant son attitude à lui-même est parfois caricaturale. Un homme dans toute son imperfection, dont la devise était « sola inconstantia constans »…

 

 

 

 

Publié dans littérature

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